Covid-19 : Matthieu Orphelin propose à Emmanuel Macron des « actes très forts » pour « le jour d’après »

Covid-19 : Matthieu Orphelin propose à Emmanuel Macron des « actes très forts » pour « le jour d’après »

Des idées pour « le jour d’après ». Le député Matthieu Orphelin propose au Président « un plan de transformation » en faveur du climat, de la santé et de la solidarité, décliné en 39 mesures. Ce proche de Nicolas Hulot prend aux mots Emmanuel Macron qui a promis une « rupture ». Il l’invite à passer aux « actes ».
Public Sénat

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

Après la crise sanitaire et économique, que faire ? Alors que la France affronte l’épidémie de Covid-19, certains réfléchissent déjà à la suite et veulent prendre Emmanuel Macron aux mots. Dans sa déclaration du 12 mars, le chef de l’Etat avait appelé à « interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde et qui dévoile ses failles au grand jour ». Le Président allait plus loin, assurant que « les prochaines semaines et prochains mois nécessiteront des décisions de rupture ». Certains membres de l’aile gauche de la majorité, veulent y voir un « tournant » qui donnera corps à l’acte II, et pas un simple effet d’annonce (lire notre article).

Des changements, oui, mais lesquels ? Le député Matthieu Orphelin a planché sur le sujet. Celui qui avait quitté le groupe LREM en février 2019 propose à Emmanuel Macron quelques idées pour mettre en musique cette « rupture ». 39 exactement, regroupées en 12 grands thèmes qui brassent autant l’économie, la santé, les transports que l’agriculture, et bien sûr l’écologie, pour ce proche de Nicolas Hulot. Le député du Maine-et-Loire a ainsi pris sa plume et écrit le 27 mars dernier à Emmanuel Macron et au premier ministre, Edouard Philippe. Ses propositions ont été transmises aussi à l’ensemble des ministres.

« La sobriété heureuse doit devenir notre imaginaire commun » 

Objet de la lettre : « Préparons, tous ensemble, le jour d’après. Proposition de mesures fortes pour un grand plan de transformation du pays à la sortie de la crise sanitaire ». Matthieu Orphelin y vante « un plan de transformation du pays en faveur du climat, de la biodiversité, de la solidarité, de la santé et de la démocratie ».

Pour le député, c’est le moment d’agir et de changer de cap, dans l’esprit de la déclaration du 12 mars. « Emmanuel Macron a eu des mots très forts pour l’instant, en mettant en avant une nécessaire rupture, un avant et un après. Il faut qu’il y ait des actes très forts du gouvernement pour concrétiser tout cela » explique aujourd’hui Matthieu Orphelin. Selon le député, c’est même le moment de « réinventer tout ». Il plaide pour « une sobriété heureuse. Il faut que ça devienne notre imaginaire commun ». Matthieu Orphelin ajoute :

Il est temps d’un vrai grand changement, qu’on arrive à décélérer notre monde et notre société qui vont de plus en plus vite.

S’il est encore trop tôt pour savoir si le député aura gain de cause sur tout, il a déjà l’oreille du Président. Il a pu « échanger » avec Emmanuel Macron sur ses propositions le week-end dernier, et encore lundi soir. Et s’il pense que « ces sujets-là seront ceux de l’élection de 2022 », c’est dès maintenant qu’il faut s’y atteler : « Il reste 2 ans. Ça peut être 2 ans utiles ».

  • 200 euros d’augmentation pour les métiers de la santé

Dans le détail de ce plan, que nous avons pu consulter, on remarque par exemple sur les questions de la santé et de l’hôpital, le premier point : « Revaloriser les métiers de la santé, y compris financièrement, en commençant par les aides à domicile et les aides-soignants (+ 200 € net/mois en moyenne pour ces métiers-là) ».

Un coût estimé entre 1 et 2 milliards d’euros. « On voit bien que les premiers de cordée sont les aides-soignants, les infirmières, les aides à domiciles, les caissiers » lance le député, en écho à d’autres propos présidentiels.

  • Hausse des droits de succession et de mutation pour les plus gros patrimoines

Au chapitre d’une fiscalité plus équitable, Matthieu Orphelin propose de « réformer la fiscalité du patrimoine (financier et immobilier) au bénéfice des jeunes générations et des plus précaires, notamment en augmentant le barème des droits de succession et de mutation pour les patrimoines les plus importants et en rétablissant la progressivité de l’impôt ».

De quoi ramener, pour les successions, de 1 à 2 milliards d’euros par an. Un sujet sensible, alors qu’Emmanuel Macron s’était vu accusé d’être le « Président des riches » après avoir supprimé l’ISF.

  • « Prix minimum » pour les carburants

Autre idée qui fera, à n’en pas douter, débat : « Administrer le prix des carburants (gazole et essence) dès lors que le prix du baril de pétrole descend sous un certain niveau, afin de financer des aides aux ménages modestes ainsi que les autres mesures du plan de transformation ».

Explication de texte par Matthieu Orphelin, qui précise bien qu’il ne s’agit « non pas de la taxe carbone », dont les gilets jaunes se souviennent, mais d’imaginer pourquoi pas « un prix minimum » des carburants. De quoi ensuite « redistribuer quelques milliards d’euros aux classes populaires ».

  • Hausse des dotations pour les collectivités les plus vertes

On trouve évidemment une série de mesures vertes pour la rénovation, les mobilités ou l’agriculture. Le député, membre apparenté du groupe Libertés et territoires, propose aussi de « bonifier significativement les dotations aux collectivités locales ayant de fortes ambitions écologiques ».

Un sujet qui devrait intéresser les sénateurs, habitués à prendre la défense des collectivités.

« Entre 7 et 10 milliards d’euros par an d’investissement »

Toutes ces mesures ont un coût : « Entre 7 et 10 milliards d’euros par an d’investissement ». Reste plus qu’à convaincre l’exécutif… Et si le gouvernement entend aider l’économie à repartir, Matthieu Orphelin met en garde sur les choix à venir. « Quand j’entends certains membres du gouvernement parler d’un plan de relance, ça m’inquiète » dit-il, avant d'avertir :

Si c’est le même plan de relance qu’en 2008, ce n’est pas la peine. Si on se relance comme avant, on ira deux fois plus vite dans le mur.

Mais alors que le déficit va se creuser à plus de - 4%, certains pourraient plaider pour le retour de la rigueur budgétaire, une fois l’orage passé. Là aussi, le proche de Nicolas Hulot appelle à changer de paradigme. « Comme nous tous, il va falloir que Bercy et le gouvernement déconstruisent leurs anciennes réflexions budgétaires » espère-t-il. Un investissement vert qui paiera à terme, calcule-t-il. « Il faut enfin cette transition écologique à plein. Si c’est à moitié, ça ne marche pas, on n’emmène pas les acteurs et les citoyens » soutient Matthieu Orphelin, alors que le manque d’ambition en matière d’écologie avait motivé son départ du groupe LREM.

« Il est temps d’une autre politique, avec ce gouvernement comme avec ceux qui suivront »

Dans ce contexte nouveau, il espère maintenant être entendu, au moment des arbitrages. « Emmanuel Macron m'a confirmé que nous aurions prochainement une réunion de travail » glisse le député du Maine-et-Loire. Mais Matthieu Orphelin insiste : « Il est temps d’une autre politique, avec ce gouvernement comme avec ceux qui suivront »…

Dans la même thématique

Paris : Hearing of Elisabeth Borne at French Senate
7min

Politique

Dérapage du déficit : les moments clés de la mission d’information du Sénat qui étrille les gouvernements passés

Série. Retour sur les temps forts parlementaires de 2024 au Sénat. En mars dernier, le rapporteur général de la commission des finances du Sénat se rendait au ministère de l’Economie pour enquêter sur la dégradation du déficit de la France. C’est le point de départ d’une des missions d’information les plus marquantes de cette année 2024. Retour en six dates sur ces travaux, ponctués d’auditions musclées.

Le

Paris, Matignon : minute of silence
5min

Politique

Gouvernement Bayrou : « Il y a une forme d’impasse stratégique », juge le constitutionnaliste Benjamin Morel

Alors que le gouvernement de François Bayrou doit être annoncé à 18h30, les principales interrogations concernent la durée de vie de cette future équipe. En effet, le Premier ministre s’appuie sur le même socle politique que son prédécesseur et souhaite reprendre les travaux de Michel Barnier sur le budget. Pour le même résultat ? Entretien avec Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’université Paris-Panthéon-Assas.

Le